La crise sanitaire vient de nous le prouver une fois de plus, les professionnels de santé sont à la fois le pivot et le fondement de notre système de santé.
Pour autant, ce lieu, comme chacun le sait, même s’il est formidable pour certains et bénéficie d’une plateforme médiatique plus importante, est souvent qualifié de grands renforts sémantiques inspirés de l’histoire religieuse de la communauté paramédicale. Eléments de un langage qui n’est plus tout à fait pertinent alors que l’on mentionne encore en 2020 la « vocation » ou « l’abnégation » de désigner les qualités premières de tout un groupe de professionnels de santé qualifiés, compétents et experts qui ont quitté, depuis très longtemps, les ordres cléricaux pour rejoindre les ordres professionnels !
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Malgré cette première observation sémantique amère, il est clair que cela se poursuit dans la représentation médiatique car, s’il existe des soignants mieux connus et reconnus par l’opinion publique, en particulier des infirmières et des médecins, d’autres obtiennent à peine une couverture ; ce sont les so- professions dites « de l’ombre ».
Nous aurions également pu utiliser le terme « ingrat » pour qualifier. En effet, ce sont précisément les personnes dont nous parlons et, en particulier, la plus connue d’entre elles dans la communauté paramédicale : le soignant.
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Ainsi, malgré la bravoure quotidienne pendant la pandémie, le la qualité de leur déploiement et les efforts humains et relationnels déployés dans tous les lieux qui les accueillent, l’image des soignants souffre de profondes stigmates socio-professionnels, issus de leur création originelle, qu’ils sont incapables de faire face à défaire…
Cependant, en 2020, alors que, dans le cadre du Health Segur, un accord catégorique a été conclu, notamment que la réingénierie du D.E.A.S est à l’étude et que l’on peut légitimement reconnaître le caractère essentiel de la SA dans de nombreux domaines cliniques, il y a un inévitable question pour nos organismes de soins, aide-soignant, êtes-vous toujours une profession qualifiée ou devez-vous être reconnu comme un professionnel confirmé ?
La stigmatisation socio-professionnelle : un accouchement au forceps, des séquelles au centuple.
À la fin des années 1950, la hiérarchie paramédicale, soucieuse de soulager les infirmières de certaines tâches au profit de nouvelles des fonctions administratives, cherchait une solution pour aider le soignant en le libérant de soins chronophages tels que l’entretien des locaux, les bains des patients, le service des repas, la lingerie… Soit ! Les décideurs institutionnels proposent une hybridation professionnelle innovante : la rencontre d’agents de services, ayant à l’époque des fonctions hôtelières équivalentes à celles de A.S., avec une partie du rôle spécifique de l’I.DE.
Ce mariage de la carpe ou du lapin va donc mener à une situation triste et durable… pour certains, ils se sentiront dégradés de se voir piétinés dans leur pré, pour d’autres, ils se libéreront de tâches qui seront bientôt qualifiées d’ingrates…
Ni entièrement ASH, ni tout à fait I.D.E., l’histoire d’A.S a été construite sur cette instabilité du seuil entre deux mondes professionnels et beaucoup témoignent encore de ce sentiment d’illégitimité, de manque de reconnaissance et la valorisation d’une fonction qui peine définitivement à « trouver sa place ».
71 ans après sa naissance, la communauté des soignants navigue toujours dans cette catégorisation floue, intermédiaire où le rôle de l’aide aux soignants est finalement peu identifié comme une fonction infirmière à part entière, et ce n’est pas la catégorie C de la fonction publique hospitalière, plaçant, jusqu’à la conclusion du Health Segur au début du mois de juillet, la profession A.S en entreprise des travailleurs qualifiés des services hospitaliers, qui a permis d’affirmer leur identité professionnelle.
Un soignant, un métier spécialisé ou une profession confirmée ?
Ainsi, aborder les catégories fonctionnelles de la fonction publique hospitalière revient à révéler d’autant plus l’évolution de la place occupée par l’AS dans les organisations de santé.
Au sein du F.P.H., A.S. appartient au catégorie C d’emplois, c’est-à-dire relative aux fonctions exécutives. Un niveau de la fonction publique qui regroupe de nombreuses professions accessibles sans diplôme ou avec des qualifications de niveau 3, qui sont pour la plupart des professions manuelles, avec un savoir-faire spécifique et une formation systématique pour des emplois « qualifiés ». En cela, la fonction A.S est une profession qualifiée pour supposer que réduire l’A.S à une seule fonction fonctionnelle, exclusivement manuelle, revient à ignorer la polycompétence croissante de la fonction et à la regarder avec un regard éternel et démodé d’une époque infirmière passée. L’évolution catégorique prévue, de la catégorie C à la catégorie B, proposée lors du Health Segur, marque une étape a priori et nous propose une nouvelle paire de lunettes pour observer les multiples dimensions d’un A.S polymorphe !
En effet, de nos jours, l’A.S est un collaborateur direct de l’I.D.E, les liens qui les unissent sont purement fonctionnels, car ces derniers dépendent toujours du rôle propre de infirmière sans pour autant en être la subordonnée, et elle exerce l’art de prendre soin de façon réelle et non abstraite !
La polycompétence s’exprime par l’expertise des soignants. Complexe, parce que peu connu ou peu connu, il s’agit pourtant d’une réalité professionnelle à l’harmonie des connaissances, du savoir-faire et des compétences interpersonnelles.
L’expert assistant médical est d’abord organisé autour d’un raisonnement clinique intermédiaire, qui alimente le raisonnement clinique élevé de l’I.D.E. En effet, l’A.S est le premier niveau d’alerte dans l’altération ou la modification de l’état de santé d’une personne traitée. Pour ce faire, il est donc nécessaire, au minimum, de mobiliser les connaissances acquises en formation mais aussi sur le terrain, de faire des liens entre elles et d’identifier un problème de santé supposé qui est transmis à l’I.D.E, au médecin ou directement aux services d’urgence lors des soins à domicile.
Ensuite, l’A.S est également expert dans le domaine crucial de l’intégrité cutanée. Dans de nombreux services de santé, notamment en gériatrie ou en E.H.P.A.D., son rôle de prévention, d’observation et d’utilisation pertinente des ressources matérielles afin de prévenir l’apparition d’escarres intervient en amont de l’I.D.E.
Parlons également de la chirurgie, notamment digestive ou orthopédique, au sein de laquelle l’A.S possède une expertise post-opératoire, diététique ou de mobilisation active/passive qui est mise au profit de l’éducation thérapeutique, et/ou de la santé, en collaboration avec l’I.D.E et les physiothérapeutes, ergothérapeutes.
Ainsi, à plus d’un titre, dans les services chirurgicaux ambulatoires ou conventionnels, on compte sur l’AS pour dynamiser l’ensemble du parcours de soins du patient, de l’entrée à la sortie, par exemple en les intégrant systématiquement dans les protocoles Enhanced Rehabilitation After Surgery (RAAC).
De toutes ces nuances d’A.S expertise, je suis convaincu que de nombreuses personnes n’en ont pas la moindre connaissance, même au sein de la communauté soignante elle-même.
C’est normal, l’ignorance est le revers de la stigmatisation. Nous ne regardons plus la personne sauf à travers cette dernière qui devient, en fait, son image sociale : une ombre accomplissant des tâches ingrates.
Sauf qu’en 2020, de petites avancées institutionnelles en témoignent, l’AS n’est résolument plus dans un tascheron mais un réflexif, on peut alors s’interroger sur la nécessité de transformer ce métier en métier…
Le défi du développement professionnel
Lorsqu’il y a un défi, il y a des obstacles. Dans ce domaine de développement professionnel, les A.S. sont d’abord confrontés à un problème majeur : le référentiel d’activités. Comme nous l’avons vu un peu plus loin, celui-ci a été construit en s’appuyant sur celui de l’I.D.E. et les attributions de l’A.S.H. Jusqu’à présent, il convenait à tout le monde et chacun trouvait son compte. Ainsi, dès que l’on veut gagner en densité professionnelle chez A.S, une question pragmatique se pose : comment formaliser des actes accomplis, par l’A.S de manière informelle, qui appartiennent à d’autres référentiels d’activités ? De quelle manière une ou plusieurs nouvelles compétences professionnelles doivent-elles être conçues à long terme sans les soustraire des autres ?
Bien entendu, il n’est pas nécessaire d’avoir fait de grandes écoles pour voir émerger la place d’un débat interprofessionnel, dans l’ensemble légitime, quel que soit le lieu, entre l’I.D.E et l’A.S., afin de défendre son domaine de compétence ou de renforcer le sien ; récents débats sur l’attribution de 27 nouvelles lois à A.S d’ici 2021 argumente cela !
Cependant, le défi du développement professionnel d’A.S ne peut être relevé dans le domaine du clivage entre deux professionnels de santé qui doivent absolument continuer à collaborer ensemble. Non. Intrinsèquement, le défi de l’évolution professionnelle d’A.S est également celui de l’I.D.E., car l’un ne va pas sans l’autre.
Demain, les professionnels de la santé infirmière verront certainement leurs compétences cliniques augmenter de façon exponentielle, acquérant notamment une plus grande autonomie dans les domaines d’expertise de la pratique avancée. Demain, les professionnels de la santé infirmière devront être encore plus au cœur de l’action sanitaire et exerceront davantage de fonctions de coordination des soins, devront investir dans la conception, la gestion et la conduite des politiques publiques en matière de santé.
Demain, pour mieux s’approprier toutes ces nouvelles fonctions, les professionnels de la santé infirmière devront s’appuyer sur A.S pour deux raisons : pour éviter de vendre les actes de leur propre rôle, des compétences historiques qui ne peuvent être dissociées des soins infirmiers, qui ne pourront plus être mis en œuvre par l’I.D.E. » nouvelle génération », vers de nombreuses nouvelles professions de soins et, en fait, pour nous protéger contre la perte de données fondamentales pour le diagnostic infirmier.
Par conséquent, l’évolution de la profession d’I.D.E, nécessairement accompagnée de l’évolution de la profession d’A.S, sera le moment de repenser la création du rôle tant décrié des A.S proprement dits et donc de la place que nous voulons maintenant leur donner dans l’organisation des soins.
Dans le cadre de la complémentarité de l’expertise au profit de la personne traitée, le rôle approprié d’A.S., selon moi, ne devrait pas être une division du savoir-faire infirmier mais plutôt la coopération du savoir-faire infirmier. Le rôle propre d’A.S devrait être un espace contributif où l’A.S et l’I.D.E travaillent toujours en collaboration, à la recherche du bien-être de la personne soignée, tout en ayant la possibilité de promouvoir la transversalité, selon leur niveau de compétence et en toute autonomie (appel et formation des soignants aux techniques de soins ou d’entretien des locaux, orientation d’ateliers thérapeutiques, établissement d’évaluations nutritionnelles auprès d’un diététicien, organisation d’un parcours de vie avec un travailleur social…) sous l’égide d’un code ad hoc de éthique.
A.S. » Son propre rôle serait également le moment d’intégrer ce dernier dans la coordination et la gestion des parcours de soins, toujours en collaboration avec l’I.D.E.C ou les réseaux de santé.
Cependant, aujourd’hui, ce rôle propre à l’AS n’est pas à l’ordre du jour car il ne doit pas être construit au détriment de la profession d’I.D.E qui commence à peine à changer. Cela impliquerait la légitimité même de la profession d’A.S. En effet, déshabiller Pierre pour redresser Paul, c’est creuser le fossé de la discorde alors que des ponts doivent rester entre eux !
C’est là que nous revenons au point crucial de ce défi de développement professionnel qui est en même temps le problème fondamental de la profession d’A.S. : trouver sa place sans prendre de place.
À mon avis, à court terme, la place de A.S dans une société vieillissante, où les maladies chroniques prennent une place prépondérante et le souci de prendre soin à domicile, doit être celle d’un changement dans la représentation de l’A.S.
Dans un système de santé renouvelé, l’AS doit être le professionnel de l’autonomie et non de la dépendance. Ainsi, dans cette optique, un champ de possibilités s’ouvre dans les activités de soins et un boulevard à emprunter pour A.S car, dans ce domaine, il n’y a que des innovations à proposer et non des actes pour récupérer ! L’image de la version 2.0 d’A.S ne doit plus être associée exclusivement à des représentations taboues de l’addiction mais brosser le portrait d’un professionnel de la réadaptation physique/psychologique, de l’autonomisation, avec le souci d’exercer pleinement ses capacités des personnes soignées, et dotées d’une expertise complémentaire à l’I.D.E.
L’expérience de la COVID-19
De même, c’est souvent dans les tests qui prouvent la valeur et l’efficacité du discret. L’expérience de la COVID-19 est donc très significative pour la communauté A.S qui se tient au vent, en « première ligne », en compagnie d’autres professions de la santé.
En effet, en période de confinement, mais aussi d’adaptabilité majeure des forces de santé, face à des soins hautement spécifiques, la valeur d’A.S s’avère double.
D’une part, porteurs de la valeur relationnelle de la profession, les A.S ont fait preuve d’une capacité d’innovation humaine admirable face aux contraintes imposées par la distanciation sociale. Malgré une augmentation de l’activité de soins, les A.S ont été les promoteurs de la transversalité des les pratiques en contact avec la personne traitée. Les AS travaillant dans l’E.H.P.A.D, le S.S.S.I.A.D ou les institutions médico-sociales, soutenant l’action des facilitateurs, ont ainsi développé, non pas des parcours cliniques, mais des parcours physiques vers l’entourage des résidents et des bénéficiaires isolés (visioconférence, opérations d’échange de courrier, défi Facebook…).
À tout le moins, l’A.S n’a pas accentué la dépendance de ses habitants à l’égard de l’outil numérique, ils ont favorisé leur autonomie devant eux. Tout au plus, A.S. a surestimé son importance pour les soins infirmiers en faisant preuve de « dignité » et en prévenant les risques associés à l’isolement social.
En revanche, lors de la crise sanitaire, A.S a démontré, une fois de plus, sa valeur clinique, associée à une forte capacité d’auto-apprentissage.
Alors que les spécificités bio-physiopathologiques de la COVID-19 semblaient encore un peu floues, il a fallu un bon nombre de professionnels de santé, se forment à la compréhension clinique, à la sémiologie de la COVID19 et aux gestes de réanimation/soins intensifs, afin de se doter de toutes les armes nécessaires pour lutter contre le virus. Directement en contact avec la personne traitée, parfois le seul professionnel de santé à avoir rendu visite à un patient isolé, soucieux de soulager et de renforcer son binôme I.D.E, les A.S ont saisi l’absolue nécessité d’une formation, quel que soit le lieu. En plus d’avoir pu rapidement monter dans le train sanitaire de la pandémie avec de nouveaux bagages de compétences, les A.S. ont indéniablement prouvé qu’ils pouvaient être des « lanceurs d’alerte » mobilisables en matière de santé, force de proposition et non d’exécution, au chevet du patient. Enfin, de cette crise sanitaire, le binôme I.D.E/AS n’a fait que s’enrichir en leçons managériales et professionnelles car, face aux difficultés, il a été le lieu de renouvellement d’un sentiment propre à sa dynamique : la confiance.
Ainsi, en faisant le lien entre les différents wagons de tête que sont l’I.D.E, les médecins et les services de secours, nous pouvons tout à fait reconnaître, qu’à leur tour, les A.S de « première ligne » ont également gagné leur place en « première classe » sans monter dans le train !
En fin de compte, même si des difficultés fonctionnelles et identitaires sont actuellement opposées pour A.S., son rôle en tant que professionnel de la santé n’est plus à démontrer. Son rôle pendant la pandémie ne doit pas être oublié.
Au point que, tout cela le prouve, dans notre système de santé renouvelé, intégrer l’A.S dans un processus d’investigation sur le terrain, reconnaître son expertise clinique et technique, s’appuyer sur sa connaissance du patient, ses désirs, ses difficultés et ses capacités, ne fera que renforcer la l’efficacité et la pertinence du diagnostic infirmier dont il est le lien fondamental.
Considérant que nous devons libérer tous les soins infirmiers de leur camisole de force pour construire une base de santé solide sur laquelle sera construit un nouveau modèle de santé probable, nous parions que les leçons de la crise de la COVID-19 ne sont pas comme la broderie de Pénélope dans L’Odyssée. Un travail que l’on fait patiemment pendant la journée et que l’on défait immédiatement la nuit pour ne pas vraiment avancer.
Parce que, en tout cas, nous traçons les lignes d’une future tapisserie moderne dont l’A.S ne devrait plus être le seul « métier à tisser » mais le fil de trame coréfléchissant, d’usage « professionnel », d’une œuvre, par ailleurs fragile, celle de notre « take care » à la française.